Les Romanov, tsars collectionneurs à la Pinacothèque
| Mercredi dernier, l’Homme et moi avons pu constater avec tristesse que nous n’avions que peu d’amis à la fois fiables et intéressés par la découverte d’autres horizons culturels que ceux qui s’offrent sur un écran. En effet, après avoir proposé à une dizaine de personnes de se joindre à nous pour une nocturne à la Pinacothèque, nous nous sommes retrouvés à trois, avec Loukoum qui est donc le seul ami en qui nous puissions avoir confiance. Merci à lui sans qui nous aurions touché au désespoir. | Jan Steen - Le Contrat de Mariage - vers 1650 |
Nous nous sommes donc retrouvés tous les trois à 19h à la Pinacothèque. J’en profite pour signaler qu’il y a peu de monde à cette heure-là et que la visite est très agréable. J’avais déjà vu l’exposition Esterhazy, je me suis donc consacrée à celle des Romanov qui est peut-être encore plus relevée. J’adresserai quand même un reproche au commissaire de l’exposition qui a choisi d’accrocher les œuvres par période d’acquisition, et donc par tsar collectionneur. On voit des œuvres achetées successivement par Pierre Ier, Catherine II, Alexandre Ier, Nicolas Ier. On apprend avec intérêt que c’est dès 1719 que Pierre Ier fait ouvrir le premier musée public de Russie et que c’est Catherine II qui fonde l’Ermitage en 1764, deux ans après son accession au trône. Tous ces aspects sont très intéressants et il est vrai que là est le but de l’exposition. Mais j’aurais tellement aimé quelques explications supplémentaires sur chaque œuvre. Parfois, je ne savais même pas à quelle école se rattachait tel ou tel peintre exposé. Certes, tout ne doit pas tomber tout rôti et il faut faire des efforts pour se cultiver. Mais si je vous dis « Anguissola », vous la situez où ?
La peinture espagnole est très richement représentée dans les collections de l’Ermitage, alors que le reste de l’Europe ne s’est que tardivement intéressé à cette école. Mais le tsar Alexandre Ier éprouvait une grande sympathie pour ce peuple résistant à la botte napoléonienne, frère dans ce martyr du peuple russe. L’exposition présente ainsi une très belle annonciation de Murillo, un beau portrait de Velasquez.
Le tableau qui m’a le plus touché était peut-être le Christ tout puissant du Titien. Le rouge de la tunique du Christ vibre dans la lumière fauve qui illumine la figure. L’expression du visage est difficile à déchiffrer , hiératique mais tempérée par une douceur presque douloureuse.
Du côté des Flamands, on a deux magnifiques Rembrandt, un Christ montrant ses cicatrices à St Thomas de toute beauté de Van Dick, et quelques petites scènes d’intérieur qui font ma joie, comme le malicieux tableau de Jan Steen que je vous ai collé en tête de l’article. La discussion a l’air fort âpre entre la mère de la jeune femme et le soupirant agenouillé. Le ventre montré est bien rond et les œufs cassés soulignent la perte de la virginité tout comme le joug de bœuf qui traine par terre au premier plan souligne par où il va falloir en passer.
L’exposition ne s’arrête pas aux quelques œuvres énumérées ici. J’ai juste parlé de ce que j’ai préféré.
J’ai ensuite rejoint Loukoum dans les collections permanentes dont j’ai déjà dit tout le bien que j’en pensais dans un précédent article. Loukoum a lui aussi apprécié l’accrochage rebelle de ces collections mais parce qu’il lui semblait que ça soulignait la supériorité des maîtres d’autrefois.
L’Homme était déjà sorti depuis de longues minutes. Nous l’avons rejoint de l’autre côté de la place de la Madeleine à l’Ecluse. C’est un bar à vins où les vins sont remarquables, le personnel très sympathique, les plats beaucoup trop chers pour ce que c’est. Beaucoup plus tard, Clignotant Borgne est arrivé, rayonnant. Il s’intéresse plus aux vins qu’à la peinture. Nous avons passé une excellente soirée.