Rome - 11 avril 2011

Publié le par Rhoda

 

Jour de colère, jour d'anniversaire.


Il faisait beau pourtant ce matin là quand nous sommes parties pour le forum romain. Suivant la grande avenue qui passe entre le foro romano et les fori imperali, nous marchions avec le Colisée en ligne de mire. Nous savions que cette journée serait fatigante alors nous n'avons fait aucun arrêt, nous ne nous sommes laissées distrait pas aucune église sur la route. Le forum n'était pas désert : d'abord c'était dimanche et tout le monde n'était pas à la messe, ensuite l'entrée était gratuite pour cause de semaine de la culture. Comme si à Rome, ce n'était pas la semaine de la culture toute l'année !


Nous nous sommes longuement promenées sur le forum, émues d'écouter ces pierres qui ont engendré notre culture. Nous avons foulé la via sacra, la voie la plus prestigieuse de l'antiquité, celle qu'empruntaient les chars des généraux victorieux tandis qu'un esclave murmurait à leur oreille "cave ne cadas", "memento mori" tout en les couronnant de lauriers. Nous avons imaginé Cicéron haranguant ses concitoyens depuis les Rostres avant que ses mains et sa tête n'y soient exposées après l'assassinat de César. Et nous avons presque vu le corps sanglant de celui-ci porté de la Curie à son bûcher, devant les rostres. Nous avons bien sûr admiré ces poétiques colonnes qui se dressent malgré les siècles, signalant les anciens temples pour d'anciens dieux ou des se savaient leurs égaux. Et ces arcs de triomphes dressés pour la gloire éternelle de Septime Sévère ou de Titus. Septime Sévère avait imaginé d'associer à sa gloire ses deux fils, Geta et Caracalla en faisant figurer leurs statues à côté de la sienne au sommet de son arc. Il a dû l'avoir mauvaise quand Caracalla a fait tuer son frère et détruire sa statue pour régner seul. Nous avons imaginé la vie des vestales, prisonnières trente ans dans l'atrium vestae. Une vie luxueuse et honorée pour ces filles de la noblesse mais quand même une prison.


Et surtout nous avons imaginé la vie grouillante et populaire du forum, les marchands étrusques, les affaires qui se traitaient là, les discussions politiques, les affres d'une démocratie directe. Étrangement, on se transporte toujours en pensée dans la Rome Républicaine quand on est sur le forum. Pourtant il n'en reste que peu de traces (c'est pour ça que nous avons été émues par l'entrée de la Cloaca Maxima, dont l'origine remonte même aux rois étrusques). Tous ces beaux marbres nous ont été laissés par des empereurs.

 

Nous avons ensuite gravi le Palatin mais nous n'avons pas beaucoup insisté, nous contentant d'une pause dans les jardins Farnèse qui surplombent admirablement le forum.


A coté du forum se trouve... Le Colisée ! Quelle aubaine ! A peine descendues du Palatin, nous voici donc dans la foule qui se presse autour du gros rond. Coup de stress : semaine de la culture oblige, le Colisée fermait à 13 heures. La queue nous paraissait immense. Aurions-nous le temps ? Profitant de notre désarroi, de faux centurions tentèrent de nous vendre des entrées de groupe permettant d'éviter la queue selon eux. C'est alors que Perle de Rosée eut un nouvel éclair de génie. Elle me montra que les billets que l'on nous avait remis sur le forum comportaient aussi une entrée pour le Colisée. Plus besoin de s'arrêter aux caisses. Nous avons foncé à l'intérieur et accompli à peu près deux tours du monstre, un en bas et un sur les gradins. Ressortant, Perle de Rosée était d'accord avec moi : le Colisée est beaucoup plus impressionnant dehors que dedans, malgré toutes les images de cirque emmagasinées dans nous mémoires. Un des principaux mérites de sa visite est d'offrir un beau point de vue sur le très harmonieux arc de Constantin.


Nous avons ensuite tourné à satiété autour du Colisée, les trois ordres de colonne, c'est un coup de génie.
Pour retourner au centre, nous avons à nouveau longé les fori et à nouveau admiré la colonne Trajane. Mais nos estomacs criaient famine et nos pieds criaient pitié. Sans chercher plus compliqué, nous sommes allées manger une salade en terrasse sur le Campo dei Fiori. Le marché arrivait à sa fin, il ne restait que quelques primeurs et des marchants de produits typiquement italiens pour les touristes. Au dessus de tout ça, la statue sombre de Giordano Bruno qui fut brûlé à cet endroit-même pour hérésie en 1700. Il cherchait la vérité. Le centre du mensonge s'est vengé.


Comme nous avions encore un moment avant nouure rendez-vous avec son excellence Jean Marc de La Sablière, nous avons erré dans le quartier du palais Farnèse. Errer dans Rome, le nez en l'air, guetter le linge étendu, les fleurs aux fenêtres, les petites saintes ou les anges dans leurs niches, un éclat de voix, une odeur de cuisine, c'est le bonheur.


Nous sommes entrées par hasard dans la cour d'un bel hôtel particulier qui est en fait le palais de la chancellerie vaticane. C'est de là que sortent tous les actes pontificaux. Tandis que nous admirions le calme serein de l'architecture de la cour du palais, nous n'étions plus en Italie mais au Vatican car ce bâtiment est l'un de ceux qui bénéficient de l'extraterritorialité depuis les accords de Latran. Bien avant, ce palais fut le généreux cadeau d'un oncle à son neveu, d'un pape à un cardinal. De Sixte IV au cardinal Raffaele Riario.
Puis nous nous sommes postées sur la piazza Farnese et nous avons admiré les fontaines, deux immenses vasques antiques piquées dans les termes de Caracalla. Levant les yeux un peu plus loin, nous avons admiré la belle façade du palais Farnèse. Rien de spectaculaire mais ce qu'il faut d'équilibre et d'harmonie pour qu'on se sente en face d'un chef d'œuvre de l'architecture de la Renaissance.


Nous nous demandions comment un tel joyau, demeure historique d'une des plus puissantes et célèbres familles romaines, pouvait appartenir à la France. Notre fidèle guide vert nous a renseignées : en fait nous le louons depuis 1936 et pour 99 ans en échange de l'hôtel de la Rochefoucauld-Doudeauville siège de l'ambassade d'Italie à Paris. Je ne sais pas à quoi ressemble cet hôtel mais nous ne sommes certainement pas perdants. D'ailleurs, je voudrais signaler que nous ne sommes pas de très bons locataires, nous pourrions faire quelques efforts d'entretien et de restauration supplémentaires. Il ne serait pas déplacé que Mr. Berlusconi en touche un mot à Mr. Sarkozy. On pourrait caser quelques tunisiens à cet effet.


Perle de Rosée et moi sommes entrées discrètement par une petite porte à l'arrière de l'ambassade. Jean Marc fut charmant mais il nous demanda de ne prendre aucune photo de l'intérieur de son ambassade. Nous n'avons pas voulu le désobliger mais j'ai quand même piqué une photo des jardins. Jean-Marc nous a fait visiter son royaume, en commençant par la cour intérieure où il nous a raconté toute l'histoire du palais et toute celle de la famille Farnese. Le Palais fut construit sous l'impulsion du cardinal Alexandre Farnese, le futur Paul III, qui avait fort bon goût et qui fit intervenir Antonio da Sangallo le Jeune, Michel-Ange et Vignole. La cour intérieure est un modèle d'élégance, comme la façade. On retrouve au dessus des fenêtres l'alternance des frontons courbes et triangulaires, inspirée du Panthéon. Comme l'a souligné Jean-Marc, la famille Farnese compta de nombreux collectionneurs. Pour honorer l'anniversaire de la nation italienne, Jean-Marc avait essayé de réunir dans ces murs un certain nombre de pièces qu'ils avaient collectionnées et qui étaient maintenant exposées dans des musées nationaux. Mais ce ne fut pas toujours possible et Jean-Marc dut parfois se contenter de copies ou d'esquisses préparatoires. Il était quand même fier de nous montrer les statues des Daces prisonniers, celle de l'Hercule Farnèse ou encore le portrait de Paul III par Titien où il a l'air puissant mais fatigué. Je dois avouer que, si nous nous sommes intéressées à l'exposition qui faisait la fierté de Jean-Marc, nous avons surtout admiré ce qui est son cadre quotidien : le palais lui-même et en particulier l'éblouissante galerie des frères Carrache. Annibale et Agostino Carracci (Carrache en français) ont mis deux ans pour recouvrir de fresques les plafonds et parois de la galerie du premier étage. Cette œuvre foisonnante et complexe célèbre les amours des Dieux. Perle de Rosée et moi avons été très intriguées par Anteros, le petit frère d'Eros. Comme lui, il ressemble à un angelot joufflu. Renseignement pris, il symbolise l'amour réciproque. Plutôt sympa.


Jean-Marc nous a ensuite invitées à rester pour assister à la réception qu'il comptait donner pour mon anniversaire. J'ai préféré décliner, par modestie et puissance que je ne souhaite pas rendre public mon vieillissement. J'ai entrainé Perle de Rosée sur la terrasse de Tre Scalini pour fêter ça autour de leurs fameux tartufi, noyer mon amertume dans le chocolat et vérifier qu'il y a bien une cerise confite à l'intérieur.


Après notre traditionnelle pause à l'hôtel, nous sommes parties dîner dans un petit restaurant du Trastevere et cette longue promenade nocturne a permis a Perle de Rosée de constater que je suis capable de retrouver un pont à deux rues de distance.

 

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Encore plus grand mort que vivant !

 

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Vue du forum et du mont Palatin

 

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Perle de Rosée foule la Via Sacra avec des chaussures qui laissent des marquaes de bronzage sur le pied.

 

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L'atrium vestae.

 

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Entrée de la cloaca maxima. Emouvant, non ?

 

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La basilique de Constantin vue des jardins Farnèse.

 

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Le colisée.

 

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L'arc de Constantin.

 

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Au marché du Campo dei Fiori, artichauts à la Romaine.

 

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Giordano Bruno.

 

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La façade du Palais Farnese.

 

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Le jardin du palais Farnese.

 

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Tartufo aux vertus rajeunissantes.

 

 

Note de bas de page :

Vous trouverez ICI la liste des personnages historiques évoqués dans l'article.

Et si vous êtes fans, ICI l'ensemble des photos du séjour.

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R
<br /> J'avions deux guides mais j'avions point lu.<br /> <br /> <br />
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B
<br /> Bizarre que tu n'aies pas emporté un guide avec toi : c'est indiqué dans tous que l'entrée palatin / Colysée est couplée :)<br /> <br /> <br />
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