Le jeu de l'amour et du hasard de Marivaux aux Ateliers Berthier

Dimanche après midi, j'ai emmené Perle de Rosée aux Ateliers Berthier pour lui faire découvrir le théâtre de Marivaux. Michel Raskine y met en scène Le Jeu de l'amour et du hasard. Je suis toujours un peu gênée quand son jeune esprit découvre  un grand texte classique à travers une mise en scène qui n'est pas traditionnelle. Je crains alors que la vision originale du metteur en scène ne s'impose trop fortement à elle, qu'elle ne saisisse pas l'esprit de l'époque.

Là, j'ai été servie ! Non seulement la mise en scène n'est pas classique mais elle contrevient à ma propre vision du texte. Tout d'abord, Michel Raskine confie tous les rôles des jeunes gens à des acteurs plus que cinquantenaires. Je dis cinquantenaires pour rester polie parce que Marief Guittier qui incarne la jeune et rusée Sylvia commençait sa carrière au moment de ma naissance. On n'est donc pas dans le badinage, la légèreté, l'enthousiasme du premier amour mais dans l'effroi, l'angoisse du dernier.

Du coup, le dispositif d'échange des rôles entre maîtres valets n'apparaît plus comme une aimable ruse mais comme un cruel jeu de dupes où les valets s'en sortent mieux que les maîtres. Dorante, le seul qui reste trompé jusqu'à la fin, voit les autres personnages s'allier contre lui et faire bon marché de ses sentiments. Au lieu d'être heureux du dénouement et de son mariage avec Sylvia, le spectateur pressent qu'ils sont mal partis et que Dorante ne pourra jamais pardonner ni accorder sa confiance à sa femme ni à sa belle famille.

Ce sentiment est renforcé par l'interminable final de la mise en scène. Les jouissances sont remplacées par des grincement, un plateau rangé sous nos yeux, des acteurs ennuyés, le corps de Sylvia abandonné sur un canapé comme un cadavre, et les spectateurs excédés qui quittent la salle, participant par ce geste à la mise en scène.

Nous ne sommes pas parties avant que les lumières se rallumassent, nous n'avons pas hué les acteurs non plus, ça ne méritait pas ça. Ces gens ont, travaillé, réfléchi, ils se sont exposés, ils nous ont donné quelque chose. Mais je dois avouer que nos applaudissements furent brefs, d'autant plus que le metteur en scène faisait partie de la distribution.