Trois jours à Séville (II)

Publié le par Rhoda

 

 

 

Partout dans Séville nous avons vu des orangers. C'est l'emblème de la ville. Nous en avons dénombré pas moins de 14 000. Au mois de mars, les arbres portent encore les fruits de la saison précédente alors que les premières fleurs commencent à sortir et à embaumer la ville. Personne ne cueille ces oranges, elles mûrissent et tombent. Les services de voirie les rassemblent dans d'énormes sacs et qui sait ce qu'elles deviennent après. Ce sont des oranges amères, on ne peut pas les manger mais elles font de très bonnes confitures. Enfin... Celles des trottoirs de Séville sont peut-être un peu trop polluées, même pour les anglais.


J'entends cotre impatience... Et les tapas, et les cafés, et qu'est-ce que vous avez mangé ? Mais c'est pas vrai ! Il n'y a que ça qui vous intéresse ? Attendez encore un peu.


Le mercredi matin, nous avons visité le museo de Bellas Artes. Il est très bien aménagé, dans un ancien couvent. Délaissé des foules de touristes, sa visite est un régal. Ses collections permanentes sont presque exclusivement constituées de peintures de sujets religieux, ce qui a semblé un peu lassant à l'Homme : des vierges, des vierges et encore des vierges. Cela s'explique. J'ai été intriguée par les mentions au dessous des tableaux qui indiquaient qu'ils venaient de telle église ou de tel couvent suite à la "desamortización" de 1840. Intriguée, j'ai fait quelques recherches en rentrant.

 

Ce terme se traduit par "désamortissement" , tout aussi mystérieux mais moins joli. Au cours du XIXème siècle, le pouvoir espagnol qui était plutôt mal en point a cherché à réformer une société sclérosée et à vivifier une économie déliquescente. Il fallait favoriser l'apparition d'une bourgeoisie dynamique, comme cela s'etait produit spontanément ailleurs en Europe. L'état a donc décidé de confisquer (parfois contre dédommagement, parfois sans) les biens improductifs et de les vendre à qui voudrait en faire quelque chose. L'église s'est retrouvée en première ligne avec ses richesses accumulées au fil des dons et des héritages, ses terres inexploitées, ses œuvres d'art. Cela permettait au passage de remplir les caisses de l'état. Mais ça n'a pas très bien marché. Les évêques espagnols ont menacé d'excommunier ceux qui se porteraient acquéreurs de ses biens et cette menace n'a pas manqué d'efficacité auprès d'une population superstitieuse. Je vous le dis, aucune religion n'est favorable à la démocratie, AUCUNE ! Et puis il y a eu d'autres problèmes. Les grands propriétaires ont parfois été trop bien indemnisés et cela a anobie une partie des avantages attendus. C'est effrayant comme je connais mal l'histoire européenne. Je n'en avais jamais entendu parler.

 

Revenons à des aspects plus artistiques. Mon tableau préféré de ce jour-là, celui devant lequel je me suis le plus attardée fut sans doute ce jugement dernier de Martin de Vos que vous pouvez voir en photo ci-contre. Jésus rayonne là haut parmi ses anges trompettant mais en bas, la confusion règne. Les morts sortent de leurs tombeaux. Les anges et les démons se les répartissent. Mais le jugement a l'air aléatoire. C'est à qui en prendra le plus ! Et les démons ont l'air beaucoup plus efficaces à ce petit jeu-là que les anges ! Ils ont des visages de monstres fantastiques. Ils précipitent les âmes dans la gueule d'un énorme monstre marin. Tous ont été ressuscités dans des corps jeunes et avenants.  Ils sont nus, ils se tordent dans un merveilleux mouvements d'ensemble.

 

Le musée compte beaucoup de Murillo. J'ai prêté plus d'attention que d'habitude à ce peintre. J'ai été attendrie par ses immaculées conceptions qui s'envolent dans l'extase, par ses moines aux fins visages, par un christ à peine dérangé par les clous, par les putti dans toutes les trouées de nuages. La photo ci-contre représente une immaculée conception qui trône dans le cœur de l'église, tellement énorme que les espagnols l'ont surnommée la "colossale".

 

Nous avons aussi vu une exposition temporaire au sujet de laquelle nous ne sommes pas du tout tombés d'accord. J'ai trouvé que c'était un ramassis de croûtes autour du thème : l'Espagne pittoresque, tandis que l'Homme était plutôt content de sortir des bondieuseries et de contempler des œuvres gaies et colorées.

 

Venons-en maintenant à un sujet qui nous est cher : la gastronomie. En Espagne, les petits déjeuners sont toujours un moment récréatifs. Nous évitons de les prendre à l'hôtel. Nous nous allons comme tout le monde au comptoir d'un café ou d'une pâtisserie, commander un café solo ou con leche, un zumo et découvrir les viennoiseries. A Séville, nous avons ainsi découvert la pâtisserie la Campana (en photo). Un joli endroit, très achalandé. J'y ai goûté une torrija, une tranche de brioche dégoulinante d'huile et de miel. L'Homme a goûté, il a trouvé ça écœurant, pas moi. Nous avons aussi testé quelques viennoiseries lourdement farcies de crème pâtissière, bof.

 

C'est aussi dans un de ces dangereux endroit que j'ai acheté à Perle de Rosée du Turrón. C'est la confiserie la plus connue d'Espagne, elle est faite à partir d'amandes, de miel et de sucre et se vend par plaques ou par tortas. Il en existe plusieurs sortes dont certaines ressemblent à notre bon vieux  nougat. Faute d'instruction précise, j'ai choisi pour Perle de Rosée celui de Jijona. Elle ne l'a pas encore entamé mais inutile de m'appeler : elle ne partagera pas.

 

A Séville, la première fois que j'ai demandé à boire un vino de Jerez, la gentille patronne du bar m'a servi un vin sombre et liquoreux, au bouquet épicé et presque vénéneux. J'ai adoré. Tout au long de ont séjour, je n'ai eu de cesse de retrouver ce goût. C'est devenu un véritable feuilleton qui nous a bien amusés. La plupart du temps, pour une demande identique, on m'apportait un verre d'un vin blanc un peu sucré mais pas moelleux, le manzanilla. Moins bon. Ils en sont fiers et l'offrent en apéritif dans les restaurants. A Séville, j'ai réussi à boire deux fois mon vino de Jerez et je suis devenue méfiante. J'ai décidé d'appliquer d'autres stratégies par la suite.

 

En ce qui concerne le reste de nos repas, il fut bien souvent constitué de tapas mais c'était moins amusant que ce que nous avons connu à Valence ou à Barcelone. Les tapas ne sont pas exposées en vitrine sur le bar, à part pour quelques piteuses salades russes ou poivrons marinés. Il faut choisir sur une carte ou une ardoise. Et bien souvent, on est condamné au porc et à ses multiples dérivés. A Séville nous n'étions pas encore lassés et nous avons savouré le jamon.

 

Nous avons aussi savouré le flamenco. Tout d'abord, nous avons constaté avec surprise que de nombreuses boutiques proposaient des robes à volants, des peignes, des mantilles, des éventails, de grandes boucles d'oreille, des costumes camperos et des chapeaux à large bord pour les hommes. Ce n'est pas pour les touristes et ce n'est pas que du folklore. Les gens s'habillent vraiment parfois comme ça. Au moins pendant la féria. Et ils dansent le flamenco, au moins les sévillanes  of course. Nous avons assisté à un modeste spectacle, dans une toute petite salle, quatre personnes sur scène, une chanteuse, un guitariste et deux danseurs. Ce n'étaient pas des vedettes internationales mais ils étaient enthousiastes et ils ont donné tout ce qu'ils avaient, dans une grande complicité et sans castagnettes.Nous n'avons pas osé taper dans nos mains, de peur de gêner tout le monde.

 

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Tas d'oranges.

 

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Martin de Vos - Juicio Final - 1570

 

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Bartolomé Esteban Perez Murillo - Immaculée conception dite "la Colossal"

 

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La terrasse de la Confeteria la Campana mais le comptoir à l'intérieur est plus typique.

 

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l'Homme sous le jamon.

 

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Cocktail à l'Alfonso XIII. L'endroit est beau mais le service pas terrible

 

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Un sombrero o o ?

 

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Chanteuse de flamenco qui en a marre de rester assise.

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Cambré beau gosse, cambré !

Mais je cambre !

Le jeudi 17 mars, nous avons pris la route pour Grenade.

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