HHhH vs Les Bienveillantes

Publié le par rhodathewaves.over-blog.fr

hhhh.jpgPendant les vacances, j’ai lu HHhH de Laurent Binet. Cet ouvrage raconte l’histoire de l’attentat qui tua Reinhard Heydrich à Prague en mai 1942. Ce nazi était considéré comme l’homme le plus dangereux du régime. Il alliait l’intelligence, le sens de l’organisation, la férocité, l’inhumanité, l’ambition. Mélange détonnant en de telles circonstances. Il lança la solution finale. C’était le chef de Eichmann, le « cerveau » de Himmler. Son élimination fut orchestrée depuis Londres par le gouvernement Tchécoslovaque en exil et exécutée par deux parachutistes Gabcik et Kubis.

HHhH a reçu le prix Goncourt du premier roman. Pourtant ce n’est pas vraiment un roman. C’est surtout une réflexion de l’auteur sur cette question « Comment peut-on raconter l’histoire du IIIème Reich ?». Il récuse le procédé des Bienveillantes de Jonathan Littell qui employait un narrateur fictif, un nazi qui a participé aux massacres de masse. D’après Laurent Binet, on ne peut, on ne doit rendre compte de ces événements qu’en en dressant un compte-rendu exact, sans fiction. D’un autre côté, il a accumulé une telle masse de documentation qu’elle l’empêche d’écrire. Il y parvient pourtant, non sans nous faire part encore et encore de ses scrupules, de ses difficultés.

C’est une drôle d’idée quand même, cette mise en cause de la fiction comme trahison du devoir de mémoire. Le roman de Littell est beaucoup plus fort, beaucoup plus marquant que celui de Binet parce qu’il fait appel à nos sentiments, notre empathie, notre imagination. Il reste plus en mémoire. La fiction a droit de cité partout, sur tous les sujets, jusqu’à ses extrêmes. Quand Tarantino tue Hitler dans un cinéma parisien, il ne tourne pas l’histoire en ridicule, il joue avec notre mémoire, avec nos codes. Le portrait que dresse Binet de Heydrich est réussi, parce que la documentation sur le personnage est abondante. En revanche, ceux qui auraient pu être les véritables héros de son livre, les parachutistes Gabcik et Kubis, ne s’animent que dans les dernières pages, lors de l’attentat. Auparavant, on en sait tellement peu sur eux que ce sont des personnages désincarnés.

Je dois reconnaître toutefois que Laurent Binet doit toucher juste quand il accuse le narrateur fictif des Bienveillantes de nous toucher parce que c’est un caractère de notre époque plongé dans la guerre. Peut-être qu’il n’aurait pas un exister à cette époque-là. Mais comme cette révélation me vient longtemps après la lecture, et par un tiers, je reste sur ma préférence. Chez moi l’émotion prend toujours le pas sur l’intelligence.

Publié dans Livres

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